Pourquoi LinkedIn joue avec le feu ?

Pourquoi une publication sur LinkedIn est appréciée, partagée, ou commentée plus qu’une autre ? Peut-on analyser les algorithmes des réseaux sociaux pour maximiser les chances de voir ses contenus réussir ? Et par extension, peut-on exploiter les « failles » d’une plateforme et ainsi fausser l’engagement afin d’obtenir une visibilité accrue ?

Social Media optimization

En quelques mots : évidemment, on peut optimiser la visibilité de contenus sur les réseaux. C’est même un métier à part entière ! Les Social Media Managers sont là spécifiquement pour ça : donner le plus de visibilité possible à un compte et ses publications, afin de toucher le plus de clients potentiels. A base de stratégies de contenus, de connaissances sur le fonctionnement des réseaux sociaux, de maîtrise d’outils dédiés, etc… un bon social media manager pourra faire le bonheur de ses clients, engrangeant à la pelle les likes, follows, re-tweets, clics, et autres metrics d’engagement.

Social Media Managers in the house
Social Media Managers in the house unsplash

La plupart du temps, on observe un alignement entre l’intérêt des utilisateurs et les stratégies des créateurs de contenu. En effet, une publication de qualité, créée au bon moment, et partagée avec une audience pertinente aura de grande chance de rencontrer un certain succès. Dans un tel cas, la marque obtient de la visibilité, l’utilisateur consomme un contenu qui lui plaît, le réseau social est pertinent et encourage tout le monde à y passer plus de temps, et les annonceurs engrangent les vues et les clics sur leurs pubs… Tout le monde est content !

Les dérives ne sont jamais loin

Sauf que, comme souvent sur le net, il est également possible de pousser l’optimisation dans des proportions importantes, au détriment parfois d’une certaine qualité. Ainsi, des méthodes existent pour booster artificiellement la popularité de contenus sociaux, de manière inorganique. Un peu comme pour le SEO blackhat, qui pousse artificiellement des sites web dans les résultats de recherche naturelle des moteurs de recherche.

Vilain social media manager ! Bouh ! Pas bien...
Vilain social media manager ! Pas bien… Unsplash

Ainsi, on se retrouve avec des individus ou des entreprises qui utilisent des méthodes « borderline » (ou « à la limite ») pour jouer avec les algorithmes des plateformes sociales. Dans le meilleur des cas, ces techniques peuvent servir l’intérêt des utilisateurs : du contenu qualitatif peut en effet être poussé artificiellement… Est-il vraiment si horrible qu’une magnifique vidéo soit vue par encore plus de personnes ?

Le problème vient du fait que bien souvent, les contenus de ce type sont de bien piètre qualité, ou engendrent des frustrations chez l’utilisateur lambda. Ce qui peut se transformer en mauvaise expérience pour ces utilisateurs. On peut en effet tomber rapidement dans le spam pur et simple, les titres « putaclics » et autres contenus pas folichons. Et parfois, cela peut envahir une plateforme comme de la mauvaise herbe, au détriment d’autres contenus plus engageants.

Le cas LinkedIn en 2021

Tournons-nous vers le leader des réseaux sociaux professionnels. Je pense que la majorité des lecteurs de cet article ont un compte LinkedIn, puisque 7 actifs français sur 10 ont un compte. Et pourtant, j’observe autour de moi que parmi ceux qui ont un compte, très peu semblent utiliser les fonctionnalités sociales de LinkedIn de manière régulière. Surtout, on entend souvent des plaintes sur la qualité des interventions et des interactions.

Linkedin Logo

Force est de constater que quand on observe les publications sur le réseau, on peut comprendre pourquoi. On y trouve une quantité de posts loin d’être forcément très qualitatifs, et qui peuvent tous s’expliquer par une course à l’engagement. Petit florilège…

Attention, je souhaite préciser que je ne jette la pierre à personne ! La plateforme fonctionne d’une certaine façon, et chacun tente d’accomplir ses objectifs et choisit ses méthodes en fonction. Je donne simplement mon avis sur la question. Et comme on le verra plus bas, je place la responsabilité en grande partie sur la plateforme.


1. Le sondage par type de réaction

Il s’agit des publications qui demandent au lecteur de voter dans un sondage ou de donner son opinion en utilisant les réactions de LinkedIn :

Les réactions aux posts LinkedIn
Les réactions aux posts LinkedIn

Ce qui nous donne les posts du type : « A quel âge as-tu commencé à travailler ? Avant 15 ans, mets un pouce bleu, entre 15 et 20 ans mets un coeur, entre 20 et 25 ans mets les mains vertes, etc… »

Pourquoi ce type de publication découle d’une course à l’engagement ?
Faire réagir les internautes permet de donner à l’algorithme de LinkedIn l’impression que le post est apprécié. En effet, ces réactions sont censées traduire un réel intérêt de l’utilisateur pour le contenu. Donc, en générant ces différents types de likes, coeurs, etc… on s’assure que l’algo ne puisse pas ignorer son post.


2. Les liens en commentaires

Un point fort des réseaux sociaux est la possibilité d’avoir accès rapidement à une foule d’avis, de liens vers des contenus, de photos, etc… Or, sur LinkedIn, on observe souvent des posts où une personne annonce avoir écrit un livre blanc, ou créé une ressource spécifique, mais sans la partager dans sa publication.

Cette attitude semble contre-intuitive : les internautes ont peu de temps disponible, et rajouter des étapes avant qu’ils puissent interagir avec un contenu tend généralement à diminuer le taux d’interaction. Et pourtant, on observe nombre de ces publications : « mets moi un commentaire pour obtenir {X, Y ou Z}. » Ou alors l’auteur du post va lui-même insérer un lien dans le premier commentaire.

Pourquoi ce type de publication découle d’une course à l’engagement ?
Il semble que l’algorithme de LinkedIn qui contrôle la diffusion de posts sur les fils d’actualité d’autres utilisateurs donne une prime aux posts qui obtiennent de nombreux commentaires. Donc, si on donne une raison aux autres de commenter ses posts, cela devrait aider la visibilité de ces derniers.


3. L’accroche vague avec saut de ligne

Une accroche qui génère de la curiosité…
Un saut de ligne.
Sur la troisième ligne, une phrase savamment conçue pour être coupée avant de délivrer la substantifique moelle du message…

Notez la nature viscérale du message sur LinkedIn
Notez la nature viscérale du message

Combien de personnes vont cliquer sur « see more » (voir plus) afin de savoir ce dont il retourne ? Quand le message est suffisamment bien conçu, sans doute beaucoup plus si cet artifice n’était pas là… Certains professionnels parlent d’utiliser la psychologie pour faire cliquer…

Pourquoi ce type de publication découle d’une course à l’engagement ?
LinkedIn limite le nombre de lignes qui apparaissent pour chaque post du feed. Sur desktop, 5 lignes sont visibles pour les publications ne comprenant que du texte, 3 pour les posts qui contiennent un média (image, lien, etc…). Ainsi, faire cliquer un utilisateur sur « see more« , cela permet d’augmenter la zone visuelle dédiée à son post sur le feed de l’utilisateur. Et cela augmente ainsi les chances d’interaction de ce dernier.


4. Les posts auto-congratulatoires

On les a tous vus, ces posts… Que ce soit en mode humblebrag : je me la pète, mais tout en essayant de passer pour un type cool, quelqu’un qui pense aux autres ou qui cache des vertus derrière des « défauts » mineurs. Ou alors en mode beaucoup plus direct…

« L’année dernière, je vivais dans la cave de mes parents. Mais j’ai lancé ma startup, et au prix de semaines de 96 heures de travail, j’ai pu hier offrir un château pour loger tous les orphelins de ma ville !! Toi aussi tu peux le faire !« 

Pourquoi ce type de publication découle d’une course à l’engagement ?
Simple : les gens répondent à leurs émotions. Donc, générer des émotions fortes chez le lecteur permet de générer de l’engagement. Que l’on soit émerveillé, outré, confus, ou toute autre émotion forte… plus de chance de commenter, liker, etc…


5. Le double-clic

Celui-ci est hyper simple : « Fais un double clic sur la photo pour voir le pingouin faire un triple salto !« 

Pourquoi ce type de publication découle d’une course à l’engagement ?
Faire un double clic sur une image, sur l’application mobile de LinkedIn, équivaut à mettre un « like ». Donc on trompe ici l’utilisateur qui n’y connaît pas grand chose pour obtenir des likes vides de sens.


Résultat final ?

Une impression de superficialité importante au réseau. Tout le monde est en représentation permanente, et la majorité des publications sonne faux ou même carrément spammy ! Et une page d’accueil remplie de ce genre de contenu de piètre qualité ne va pas forcément avoir tendance à fidéliser un internaute.

Comment une plateforme doit réagir à ce type de contenu?

La première question est d’abord de savoir SI LinkedIn devrait faire quoi que ce soit pour limiter ce genre de posts… On pourrait estimer que tout engagement est bon pour eux, puisque cela augmente les interactions sur la plateforme et va donc dans le bon sens niveau croissance et autres objectifs business. Une philosophie tirant vers le « tout est permis, tant que ça rapporte » !

Sauf que ce serait une stratégie extrêmement court-termiste. Et les quelques dernières années nous ont montré que les réseaux sociaux ont généralement intérêt à mettre en place certains garde-fous. Surtout dans le contexte de ce qui est dangereux pour les utilisateurs, d’ailleurs (théories du complot, par exemple, ou autres type de contenus qui sont activement modérés), mais pas uniquement.

to the moon rocket  LinkedIn

Si on revient aux posts qui découlent d’une course à l’engagement, il tient à chaque plateforme de définir ses propres « règles du jeu ». Il s’agit de définir ce qui est acceptable ou non au niveau des techniques d’optimisation. Et c’est un sacré challenge que de définir ces règles, car il faut prendre en compte les besoins de deux populations très différentes : les créateurs de contenu, et les utilisateurs de la plateforme.

Les méthodes de régulation des contenus sur-optimisés

On listera ici 3 types d’interventions possibles par les réseaux sociaux pour nettoyer les contenus jugés inauthentiques sur leur plateforme.

  • Modération par les équipes Trust & Safety
    Une plateforme peut définir qu’un certain type de contenu est indésirable, et n’a rien à faire sur la plateforme. Un système automatisé va être mis en place par les équipes anti-abus pour tenter d’identifier ces publications indésirables, et les supprimer ou les rendre moins visibles. C’est l’option « nucléaire », celle qui aura les effets les plus ravageurs sur le type de contenu visé. Mais qui sera aussi sans doute la plus manuelle, puisque nécessitant généralement de nombreuses vérifications par des humains.
  • Des solutions algorithmiques
    La différence avec la solution ci-dessus est qu’un post pourra être jugé de faible qualité, mais pas « répréhensible » au niveau des règles de la plateforme. Ainsi, les publications resteront en ligne, mais seront moins recommandées proactivement à d’autres utilisateurs. C’est une méthode plus douce, et régulièrement utilisée par les réseaux sociaux. Mais qui ne vise pas généralement pas QUE les contenus de faible qualité. En général, l’objectif premier est de pousser les contenus de meilleure qualité, et la baisse de visibilité des contenus pourris est une conséquence de cet objectif.
  • L’ajout ou la modification de fonctionnalités produit
    Un certain nombre de posts de mauvaise qualité sont le résultat de « hacks ». Des méthodes pour tenter d’obtenir une interaction spécifique là où la plateforme ne le permet pas nativement. Or, le réseau social peut modifier son produit afin de baisser les incitations à utiliser les hacks. Et par la même occasion diminuer la frustration des utilisateurs. Par exemple, c’est la raison pour laquelle Twitter a doublé le nombre de caractère par tweet !

Alors pourquoi LinkedIn joue avec le feu ?

Bref, il existe des solutions pour que LinkedIn combatte ces nombreux posts de piètre qualité engendré par la course au clic et au like. Mais pour l’instant, on est loin d’une réaction forte et claire sur ces sujets de la part du réseau social. Même si certaines actions sont parfois prises, l’image de marque me semble toujours assez basse.

Alors certes, même si LinkedIn est une plateforme ancienne, elle n’a vraiment renforcé les aspects sociaux du site que dans les dernières années. Donc ils ont encore beaucoup de marge de manoeuvre et d’espace pour progresser. Rien d’alarmant donc, pour le moment.

Mais dans le long terme, LinkedIn pourrait se trimballer une mauvaise réputation pendant longtemps. Si beaucoup continuent à voir la plateforme comme un repère de « charlatans » , « gourous », ou « vendeurs de rêve », cela nuira forcément à son aura à l’avenir.


Et toi ? Tu as vu des types de posts qui t’énervent sur Linkedin ? Tu penses avoir compris pourquoi telle ou telle méthode fonctionne et impacte la façon dont les utilisateurs interagissent ?
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5 réflexions au sujet de “Pourquoi LinkedIn joue avec le feu ?”

  1. « L’URL est en commentaire » Rien que le fait de lire ça me fait partir de la publication dont on a bien compris l’objectif. Une publication qui n’est pas orientée vers l’internaute en priorité n’est pas pour moi pas valable et donne une image image à celle ou celui qui la poste. En plus, c’est tellement cheap… 🙁 Pas pour moi.

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  2. Hello Vincent, très intéressant comme d’habitude, et en effet ces pratiques sur LinkedIn sont hyper agaçantes et se généralisent.

    Bon pour le coup, dans ton exemple 4 sur l’auto-congratulation, tu mentionnes un boite « fictive », mais je te partage quand même le lien vers le profil de la vraie société Archiduchesse.com qui fait effectivement des chaussettes et qui a été montée par une de mes connaissances 😉
    https://www.linkedin.com/company/archiduchesse.com/

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    • Merci Juan pour la notification. Je ne connaissais pas cette entreprise, et ne voulais absolument pas les clasher… Mais j’aurais du vérifier avant que personne n’avait ce nom d’entreprise. Je vais modifier. Si tu as l’occasion de présenter mes excuses à ta connaissance, n’hésite pas. 🙂

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